Poète, Comédienne & Danseuse

La Cheyenne
On m’appelle la Cheyenne
je parle rouge
et les autres me sculptent
dans le miroir de leurs yeux
un visage de flammes
semblable
à une sentinelle de feu
Jugée par l’inquisition de vos doigts
érigés contre moi
je me lave dans les incendies
dans le sacre extatique de mes cérémonies
et danse sur l’odeur carbonisée
de mes origines
car derrière mon visage d’androgyne
se dissimule ma figure de totem
éclairant dans l’obscurité des soleils
ma race en combustion
Admirez en moi coyotes affamés
la Femme-Homme
la couleur de mon métissage sacrée
et l’hybridation vénérable de mon être
que l’expérience a forgée
Pourvoyeur d’oraisons
drapé sous mon plumage de chaman
j’abrite sous la tragédie de mes peintures
ma peau calcinée
et secoue dans mes transes
des rubans de cendre
sur les nécropoles argentées
car je suis un homme d’extase
rythmant ma langue
sur mes battements d’invertébré
offrant aux dieux ma divine singularité
Dispersée dans mon corps de plaines
on m’appelle la sauvage
car je promène sous mes pieds nus
dans mon esprit de contrées
un spectacle de mirages
aux oracles de pierres tailladés
Admirez en moi chacals assoiffés
l’Homme-Femme
à l’œil buriné où se dessinent
des chapelets de messagers
des talismans de rêves
vous conduisant à me menacer
Mon nom est « Sha-iye-na »
vous le savez !
Guerrière aux ruades de cris ensauvagées
parmi les rondes de bisons
et les faucons dépliés
imitant au dessus des champs
l’envol de vos christs ensommeillés
Sorcier à la tête emplumée de sagesse
j’ai vu s’étendre
des mondes de chaos
des rages aux faces avinées
scalpant
sur l'étendue de mes tribales prairies
vos rapaces pensées
De peur d’être souillée
j’ai lâché
sur le brasier ivre des feux follets
mes chiens fous
aboyant contre vos soldats de plomb
tombés sans condoléances
dans le vestige de mes lunaisons
Je me rappelle encore
la tiédeur des galops
étalée sur ma robe de nuages
pleuvant des suaires de larmes
contre l’hermaphrodisme de ma peau
et la confession faite à vos armes…
Immortel, je suis Immortelle
dans mon exode sacrificiel
je reviendrai terminer ma chevauchée
leveuse d’ombres et meneur de lumière
je serai bientôt unifiée…
POÈME: Natalia Soreyn
PHOTOGRAPHIE: Eddy Dépollier