Poète, Comédienne & Danseuse

L'heure de la Louve
Je suis une louve au bord de la meute
esseulée dans les poussières
des grimaces aux écumes de colère
le dos brisé par les pluies
d’où jaillissent sous mon ventre chaud
des chasseurs de proies
qui trônent à côté de leur vie
Je suis une louve vêtue comme un arbre
robuste aux épaisseurs orphelines
une créature d’épines
qu’aucune main ne caresse
sans que ne se blessent
les tissages fragiles de vos peaux
Je suis une louve camouflée
aux errances massacrées
les crocs sous les lunes déchainées
et sur ma peau luit
la morsure des furies éclairées
j’observe
sous mon costume de pèlerin
au milieu des arènes
la cendre virevoltante de vos os
car ma gueule est un cimetière
et sur mes dents gisent les cadavres
indomptables de mes maux
À l’heure de la louve
avant les folies intermédiaires
dans le trouble de vos prières
je mords les oripeaux de la terre
et traque sur l’herbe encore mouillée
les entrailles de vos croyances estropiées
je suis une louve sans attelage
aux joies viriles
et aux odeurs de rouille corrodées
une amazone au regard décharné
que l’on perçoit
loin de l’opulence hargneuse
de vos châteaux
Sur l’échine instinctive des cimes
J’accouche de rivières
et tresse sur les eaux
d’assaillantes libertés
Entre chien et loup
je hurle la mort
en rugissant contre les brouillards
et les voix du temps éraillées
je porte à pas de louve
dans la perspective de mes yeux
sur le teint bleu des courbures étoilées
un monde entier jeté
sur mon corps de bête
avec dessus des tribus sans visage
travesties en prophète
Je suis une louve aux états d’armes
traquée en chien de fusil
par des prédateurs ennemis
la peau sur les mots
un buvard d’encre
qui saigne dans le mimétisme des flots
touchée en plein cœur
mes yeux s’abattent en cascade
sur les chutes d’ô
il n’y a plus d’aurore
au sommet de mes montagnes
juste une source
où je peux encore m’abreuver
car je suis une louve aux trois couleurs
voyante parmi l’automne
enracinée aux carcasses
rouges des feuilles intensifiées
et sur mes traces s’effacent
les chemins apprivoisés
que les hommes ont férocement profanés
POÈME: Natalia Soreyn
PHOTOGRAPHIE: Eddy dépollier